Entreprendre au féminin est décidément un parcours à saut de haies, montagnes russes ou lac gelé, terrain glissant, caillou dans la chaussure. Le chemin est bordé d’inconforts et dans les heures tardives remplies de tableaux Excel à forte valeur anxiogène, parfois au bord des lèvres le « A quoi bon ? » si simple à formuler, si facile pour s’y réfugier.
Et pourtant, l’entrepreneuse ne peut se résoudre à interrompre l’essor (en mode essorage selon les moments).
Les raisons de sa pugnacité sont protéiformes et tout à chacune. Pour ma part, au-delà de toutes les opportunités que révèlent la création de son activité comme terrain de dépassement de soi, de liberté de choix et ce courage au ventre d’aller enfanter des projets enthousiasmants et franchir les portes aux marches jusqu’alors trop hautes, il y a désormais un autre levier d’engagement fort : la Menace.
De nature optimiste versus candide, si aujourd’hui, je détermine assez bien les contours des forces qui m’animent et des faiblesses qui s’animent à la lumière des expériences confrontantes que l’entreprenariat au féminin (j’insiste sur ce point, j’y reviendrais) propose, je n’avais absolument pas mesurer la notion de « menace » et l'impact induit– certes dans un environnement compétitif ou la donne financière peut faire grincer des dents et sortir les mauvais loups - cela peut sembler bien naïf, mais dans ma carte du monde assez peu encombrant.
Mais comme la carte n’est pas le territoire…
Et puis un jour, un appel du pied en mode bottage de derrière et grosse voix pour me faire comprendre que certains terrains de jeux sont occupés et que je peux à la rigueur retourner modestement sur le banc de touche et laisser le grand mâle occuper à sa guise une armoire toute entière de costumes semblerait-ils trop grands pour le petit gabarit que je suis.
Une injonction à me tenir à ma place en invoquant des principes éthiques et déontologiques qui ne feraient pas partie de mon ramage…Une intimidation à demi-masquée pour me faire larguer les amarres. Bref, une menace opportune pour qui sait le combat des femmes à tenir la barre et ne pas se déséquilibrer par un coup de vent.
Car venir sur le terrain des valeurs dont celle de l’éthique qui engage et protège chaque action, projet, collaboration que je mène, mon sang n'a fait qu’un tour…
Dans mes cercles d’actions, qu’ils soient bénévoles ou professionnels, je revendique le féminisme de mon entreprenariat, d’une part par la nature de mon activisme dans des projets valorisants l’appui à toutes les femmes subissant des violences exercées par les hommes et d’autres part, dans ce travail que je mène avec des femmes et pour des femmes dans l’accompagnement de parcours professionnels souvent empreints de luttes pour faire sa place dans des systèmes verticaux et patriarcaux.
Cette femme que je suis, ces femmes dont je fais partie, qui décident de créer des structures, de matérialiser une idée, de prendre des risques, dans des tranches de vies parfois instables, installent des zones libres et créatives, où se tissent des liens forts et structurants.
Il y a dans ce raccordement entre les femmes et l’entrepreneuriat, un espace, un îlot paisible où la parole s’articulent avec évidence, sans détour et détournement d’âmes, avec conviction entre crainte de ne pouvoir assurer des frigos comblés et des sorties de CLAE heure pétante, et volonté à toutes épreuves de construire des propositions innovantes, des façons d’agir et de penser loin des marécages d’un ancien monde engluant et freinant.
Il y a dans cette consistance et densité, un rapport d’alliance entre femmes qui entreprennent – une « coopétition » plaçant la complémentarité des compétences et la synergie des capacités au centre des relations.
Les femmes ont depuis longtemps empreinté ce cheminement…et leur travail invisible – la plupart du temps – participe à ouvrir les possibles et sortir des distorsions pour des principes d’actions plus coopératifs et soutenants.
Et sur cette route, les procédés douteux qui appliquent la menace sans y apposer la compréhension du contexte, des acteurs.trices en contexte, le respect de la parole de l’autre, l’explicitation des intentions sont injustifiables.
Les procédés machistes qui contraignent la parole des femmes en tentant de minimiser son pouvoir d’actions, en fragilisant ses arguments par des axiomes et rhétoriques bien connus sont inexcusables.
Il y a tant de femmes et d’hommes qui ont compris aujourd’hui que le monde de demain s’écrit en association, en collaboration, en collectif et il existe encore tant de lieux de résistance et de menace à cette émancipation.
Il y a des paroles qui ne se confisquent pas. Il y a des territoires interdits sur lesquels, j’irais irrémédiablement, irrésistiblement semer des persistantes, ces fleurs qui dans des conditions hivernales ne cessent de pousser avec vivacité !
A toutes ces femmes qui combattent, avancent, se relèvent, accompagnent, écoutent, soutiennent, s’engagent, agissent avec cœur et endurance.
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